Page:Custine - La Russie en 1839 troisieme edition vol 1, Amyot, 1846.djvu/193

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ceux qui l’emploieront ; la vérité redevient un moyen d’influence nouveau, tant l’oubli lui a rendu de jeunesse et de puissance.

Lorsque notre démocratie cosmopolite, portant ses derniers fruits, aura fait de la guerre une chose odieuse à des populations entières, lorsque les nations, soi-disant les plus civilisées de la terre, auront achevé de s’énerver dans leurs débauches politiques, et que de chute en chute elles seront tombées dans le sommeil au dedans et dans le mépris au dehors, toute alliance étant reconnue impossible avec ces sociétés évanouies dans l’égoïsme, les écluses du Nord se lèveront de nouveau sur nous, alors nous subirons une dernière invasion non plus de barbares ignorants, mais de maîtres rusés, avisés, plus avisés que nous, car ils auront appris de nos propres excès comment on peut et l’on doit nous gouverner.

Ce n’est pas pour rien que la Providence amoncelle tant de forces inactives à l’orient de l’Europe. Un jour le géant endormi se lèvera, et la violence mettra fin au règne de la parole. En vain, alors, l’égalité éperdue rappellera la vieille aristocratie au secours de la liber té ; l’arme ressaisie trop tard, portée par des mains trop longtemps inactives, sera devenue impuissante. La société périra pour s’être fiée à des mots vides de sens ou contradictoires ; alors les trompeurs échos de l’opinion, les journaux, voulant à tout prix con-