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Page:Custine - La Russie en 1839 troisieme edition vol 1, Amyot, 1846.djvu/195

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À ce propos une crainte amère m’est inspirée pour mon pays. Quand le monde, fatigué des demi-mesures, aura fait un pas vers la vérité, quand la religion sera reconnue pour l’affaire importante, unique des sociétés émues non plus pour des intérêts périssables, mais pour les seuls biens réels, c’est-à-dire éternels, Paris, le frivole Paris élevé si haut sous le règne d’une philosophie sceptique, Paris, la folle capitale de l’indifférence et du cynisme, conservera-t-il sa suprématie parmi des générations enseignées par la crainte, sanctifiées par le malheur, désabusées par l’expérience et mûries par la méditation ?

Il faudrait que la réaction partît de Paris même : pouvons-nous espérer ce prodige ? Qui nous assure qu’au sortir de l’époque de destruction, et quand la nouvelle lumière de la foi brillera au cœur de l’Europe, le centre de la civilisation ne sera pas déplacé ? Qui nous dit enfin que la France, délaissée dans son impiété, ne deviendra pas alors pour les catholiques régénérés ce que fut la Grèce pour les premiers chrétiens, le foyer éteint de l’orgueil et de l’éloquence ? De quel droit espérerait-elle une exception ? Les nations meurent comme les hommes, et les nations volcans meurent vite.

Notre passé fut si brillant, notre présent est si terne, qu’au lieu d’invoquer témérairement l’avenir, nous devons le redouter. Je l’avoue désormais, je