Page:Custine - La Russie en 1839 troisieme edition vol 1, Amyot, 1846.djvu/205

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ter ; c’est à quoi ne pensent jamais des personnes parfaitement sûres d’elles-mêmes.

Quand la gaieté de l’ex-lancier devient un peu trop vive, les dames russes la calment en chantant à leur tour ces airs nationaux si nouveaux pour nous, et dont la mélancolie et l’originalité me charment. C’est surtout la savante marche de l’harmonie qui me frappe dans ces chants antiques ; on sent qu’ils viennent de loin.

La princesse L*** nous a chanté quelques airs de Bohémiens russes, et ils m’ont rappelé, à mon grand étonnement, les boléros espagnols. Les Gitanos d’Andalousie sont de la même race que les Bohémiens russes. Cette population dispersée, on ne sait par quelle cause, dans l’Europe entière, a conservé en tous lieux ses habitudes, ses traditions et ses chants nationaux.

Encore une fois, pourriez-vous vous figurer une manière plus agréable que la nôtre de passer une journée de voyage en mer ?

Cette traversée tant redoutée me divertit au point que j’en prévois la fin avec un véritable regret. D’ailleurs, qui ne tremblerait à l’idée d’arriver dans une grande ville où l’on n’a point d’affaire et où l’on va se trouver tout à fait étranger, une ville cependant trop européenne encore pour qu’on puisse se dispenser d’y voir ce qu’on appelle le monde ? Ma passion pour les