Page:Custine - La Russie en 1839 troisieme edition vol 1, Amyot, 1846.djvu/22

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Comparer les divers modes d’existence des nations de la terre, étudier la manière de penser et de sentir des peuples qui l’habitent, apprécier les rapports que Dieu a mis entre leur histoire, leurs mœurs et leur physionomie ; voyager, en un mot, c’est un inépuisable aliment fourni à ma curiosité, un éternel moyen d’activité à ma pensée ; m’empêcher de parcourir le monde, ç’eût été me traiter comme un savant à qui l’on déroberait la clef de sa bibliothèque.

Mais si la curiosité m’emporte, un attachement qui tient des affections de famille me ramène. Je fais alors le résumé de mes observations, et je choisis parmi mon butin les idées qu’il me paraît le plus utile de répandre.

Pendant mon séjour en Russie, comme pendant toutes mes autres courses, deux pensées, ou plutôt deux sentiments n’ont cessé de dominer mon cœur : l’amour de la France, qui me rend sévère dans les jugements que je porte sur les étrangers et sur les Français eux-mêmes, car nulle affection passionnée n’est indulgente ; et l’amour de l’humanité. Trouver le point d’équilibre entre ces deux termes de nos affections ici-bas, la patrie et le genre humain, c’est la vocation de toute âme élevée. La religion seule peut résoudre un tel problème ; je ne me flatte pas d’avoir