Page:Custine - La Russie en 1839 troisieme edition vol 1, Amyot, 1846.djvu/236

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j’aimerais mieux les barbares du Nord que les singes du Midi.

Il y a des remèdes à la sauvagerie primitive, il n’y en a point à la manie de paraître ce qu’on n’est pas.

Une espèce de savant russe, un grammairien, traducteur de plusieurs ouvrages allemands, professeur à je ne sais quel collége, s’est approché de moi le plus qu’il a pu pendant ce voyage. Il vient de parcourir l’Europe, et retourne en Russie plein de zèle, dit-il, pour y propager ce qu’il y a de bon dans les idées modernes des peuples de l’Occident. La liberté de ses discours m’a paru suspecte ; ce n’est pas le luxe d’indépendance du prince K***, c’est un libéralisme étudié et calculé pour faire parler les autres. J’ai pensé qu’il devait toujours se rencontrer quelque savant de cette espèce aux approches de la Russie, dans les auberges de Lubeck, sur les bateaux à vapeur, et même au Havre, qui, grâce à la navigation de la mer du Nord et de la mer Baltique, devient frontière moscovite.

Cet homme a tiré de moi fort peu de chose. Il désirait surtout savoir si j’écrirais mon voyage, et m’offrait obligeamment le secours de ses lumières. Je ne l’ai guère questionné ; ma réserve n’a pas laissé que de lui causer un certain étonnement mêlé de satisfaction, et je l’ai quitté bien persuadé « que je voyage uniquement afin de me distraire, et, cette fois, sans