Page:Custine - La Russie en 1839 troisieme edition vol 1, Amyot, 1846.djvu/315

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niers de l’Empereur et les prisonniers de la mort, les conspirateurs et les souverains contre lesquels on conspire, je la respecterais ; mais je ne vois là que le cynisme du pouvoir absolu, que la brutale confiance d’un despotisme bien assuré. Avec cette force surnaturelle, on peut s’élever au-dessus des petites délicatesses humaines, bonnes pour le commun des gouvernements : un Empereur de Russie est si plein de ce qu’il se doit à lui-même, que sa justice ne s’efface pas devant celle de Dieu. Nous autres hommes de l’Occident, royalistes révolutionnaires, nous ne voyons dans un prisonnier d’État à Pétersbourg, qu’une innocente victime du despotisme ; les Russes y voient un réprouvé. Voilà où mène l’idolâtrie politique. La Russie est un pays où le malheur calomnie sans exception tous ceux qu’il frappe.

Chaque bruit me paraissait une plainte ; les pierres gémissaient sous mes pieds, et mon cœur se déchirait à faire l’écho des douleurs les plus atroces que l’homme ait jamais fait subir à l’homme. Ah ! je plains les prisonniers de cette forteresse ! À juger de l’existence des Russes enfermés sous la terre par celle des Russes qui se promènent dessus, on a sujet de frémir…

J’ai vu ailleurs des châteaux forts, mais ce nom ne voulait pas dire ce qu’il dit à Pétersbourg. Je frissonnais en pensant que la fidélité la plus scrupuleuse, la