Page:Custine - La Russie en 1839 troisieme edition vol 1, Amyot, 1846.djvu/324

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quartiers populeux de la nouvelle capitale si l’on avait suivi plus exactement le plan du fondateur. Mais peu à peu Pétersbourg s’est réfugié au milieu du fleuve dans l’espoir d’échapper aux inondations, et le terrain marécageux des îles a été réservé exclusivement aux maisons de printemps des personnes les plus riches et les plus élégantes de la cour : ces maisons restent à moitié cachées sous l’eau et sous la neige pendant neuf mois de l’année ; alors les loups font la ronde autour du pavillon de l’Impératrice. Mais rien n’égale pendant les trois autres mois le luxe des fleurs de ces casins, glacés le reste du temps ; néanmoins sous cette élégance artificielle perce le naturel des indigènes : la manie de briller est la passion dominante des Russes ; aussi dans leurs salons les fleurs sont-elles placées, non pas de manière à rendre l’intérieur de l’habitation plus agréable, mais à être admirées du dehors : c’est absolument le contraire de ce qui se voit en Angleterre, où l’on se garde avant tout de tapisser sur la rue. Les Anglais sont les hommes de la terre qui ont su le mieux remplacer le style par le goût : leurs monuments sont des chefs-d’œuvre de ridicule, et leurs habitations particulières des modèles d’élégance et de bon sens.

Aux îles, toutes les maisons et tous les chemins se ressemblent. Dans cette promenade l’étranger erre sans ennui, du moins le premier jour. L’ombre du