Page:Custine - La Russie en 1839 troisieme edition vol 1, Amyot, 1846.djvu/363

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

En examinant attentivement la belle figure de cet homme dont la volonté décide de la vie de tant d’hommes, j’ai remarqué avec une pitié involontaire qu’il ne peut sourire à la fois des yeux et de la bouche : désaccord qui dénote une perpétuelle contrainte, et me fait regretter toutes les nuances de grâce naturelle qu’on admirait dans le visage moins régulier peut-être, mais plus agréable de son frère l’Empereur Alexandre. Celui-ci, toujours charmant, avait quelquefois l’air faux ; l’Empereur Nicolas est plus sincère, mais habituellement il a l’expression de la sévérité, quelquefois même cette sévérité va jusqu’à lui donner l’air dur et inflexible ; s’il est moins séduisant, il a plus de force, mais aussi est-il bien plus souvent obligé d’en faire usage ; la grâce assure l’autorité en prévenant les résistances. Cette adroite économie dans l’emploi du pouvoir est un secret ignoré de l’Empereur Nicolas. Il est toujours l’homme qui veut être obéi : d’autres ont voulu être aimés.

L’Impératrice a la taille la plus élégante ; et malgré son excessive maigreur, je trouve à toute sa personne une grâce indéfinissable. Son attitude, loin d’être orgueilleuse, comme on me l’avait annoncé, exprime l’habitude de la résignation dans une âme fière. En entrant dans la chapelle, elle était fort émue, elle m’a paru mourante : une convulsion nerveuse agite les traits de son visage, elle lui fait même quelque-