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Page:Custine - La Russie en 1839 troisieme edition vol 1, Amyot, 1846.djvu/412

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surplus le plaisir n’est pas le but de l’existence ; il ne l’est pas même pour les individus, à plus forte raison ne l’est-il pas pour les nations.

Ce qui m’a paru plus admirable encore que la salle de danse du palais d’hiver toute dorée qu’elle est, c’est la galerie où fut servi le souper. Elle n’est pas entièrement terminée, mais ce soir les lustres en papier blanc destinés à éclairer provisoirement la nef royale, avaient une forme fantastique qui ne me déplaisait pas. Cette illumination improvisée pour le jour du mariage ne répondait pas sans doute à l’ameublement de ce palais magique, mais elle produisait la clarté du soleil : c’était assez pour moi. Grâce aux progrès de l’industrie, on ne sait plus en France ce que c’est qu’une bougie ; il me semble qu’il y a encore de véritables chandelles de cire en Russie. La table du souper était éclatante ; dans cette fête tout me semblait colossal, tout était innombrable, et je ne savais ce qu’il fallait admirer le plus de l’effet de l’ensemble ou de la grandeur et de la quantité des objets considérés séparément. Mille personnes étaient assises à la fois à cette table servie dans une seule salle.

Parmi ces mille personnes plus ou moins brillantes d’or et de diamants, se trouvait le khan des Kirguises que j’avais vu le matin à la chapelle : il était accompagné de son fils et de leur suite ; j’ai remarqué aussi une vieille reine de Géorgie détrônée depuis trente