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Page:Custine - La Russie en 1839 troisieme edition vol 1, Amyot, 1846.djvu/421

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signe à l’appel du roi de la terre. Le ciel du Nord est riche en présages. Tout cela était extraordinaire et même beau.

J’étais absorbé dans une contemplation de plus en plus profonde, lorsque je fus réveillé par une voix de femme douce et pénétrante. Que faites-vous donc là ? me dit-elle. — Madame, j’admire ; je ne sais faire que cela aujourd’hui. »

C’était l’Impératrice. Elle se trouvait seule avec moi dans l’embrasure de cette fenêtre qui ressemblait à un pavillon ouvert sur la Néva. « Moi, j’étouffe, reprit Sa Majesté, c’est moins poétique ; mais vous avez bien raison d’admirer ce tableau, car il est magnifique. » Elle se mit à regarder avec moi :

« Je suis sûre, ajouta-t-elle, que vous et moi nous sommes les seuls ici à remarquer cet effet de lumière.

— Tout ce que je vois est nouveau pour moi, Madame, et je ne me consolerai jamais de n’être pas venu en Russie dans ma jeunesse.

— On est toujours jeune de cœur et d’imagination. » Je n’osais répondre, car l’Impératrice, aussi bien que moi, n’a plus que cette jeunesse-là, et c’est ce que je ne voulais pas lui faire sentir ; elle ne m’aurait pas laissé le temps et je n’aurais pas eu la hardiesse de lui dire combien elle a de dédommagements pour se consoler de la marche du temps. En s’éloi-