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Page:Custine - La Russie en 1839 troisieme edition vol 1, Amyot, 1846.djvu/50

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toute cette suite de l’héritier du trône impérial une habitude de domesticité dont les maîtres n’étaient pas plus exempts que les valets. Ce n’était pas simplement de l’étiquette, comme celle qui gouverne les autres cours, où le respect officiel, l’importance de la charge plus que celle de la personne, le rôle obligé enfin, produisent l’ennui et quelquefois le ridicule ; c’était plus que cela, c’était de la servilité gratuite et involontaire qui n’excluait pas l’arrogance ; il me semblait leur entendre dire en se piétant contre leur condition : « Puisque cela ne peut pas être autrement, j’en suis bien aise. » Ce mélange d’orgueil et d’humiliation m’a déplu et ne m’a nullement prévenu en faveur du pays que je vais parcourir.

Je me suis trouvé, parmi la foule des curieux, à côté du grand-duc, au moment où il descendait de voiture ; avant d’entrer il s’est arrêté longtemps à la porte de la maison des bains, pour causer en public avec une dame russe, la comtesse*** ; j’ai donc pu l’examiner à loisir. Il a vingt ans, et c’est l’âge qu’on lui donnerait : sa taille est élevée, mais il m’a paru un peu gros pour un aussi jeune homme ; ses traits seraient beaux sans la bouffissure de son visage, qui en efface la physionomie ; sa figure ronde est plutôt allemande que russe ; elle fait penser à ce qu’a dû être l’empereur Alexandre au même âge, sans cependant rappeler en aucune façon le type kalmouck. Ce visage passera par