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LETTRE TROISIÈME À M ***.


Berlin, ce 28 juin 1839.

Puisque j’ai commencé à vous faire le récit des malheurs de ma famille, je veux le compléter aujourd’hui. Il me semble que cet épisode de notre révolution, raconté par le fils des deux personnes qui y jouèrent un principal rôle, doit avoir un intérêt indépendant de votre amitié pour moi.

Ma mère venait de perdre tout ce qui l’attachait à son pays ; elle n’avait plus d’autre devoir que celui de sauver ses jours et de conserver la vie de son unique enfant.

D’ailleurs, en France, elle avait bien plus à souffrir que les autres proscrits.

Notre nom, entaché de libéralisme, paraissait aussi odieux aux aristocrates d’alors qu’il l’était aux Jacobins. Les partisans exclusifs et passionnés de l’ancien régime ne pouvaient pardonner à mes parents le parti qu’ils avaient pris au commencement de la révolution, pas plus que les terroristes ne leur pardonnaient la modération de leur patriotisme républicain. Dans ce temps-là, en France, un homme de