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Page:Custine - La Russie en 1839 troisieme edition vol 1, Amyot, 1846.djvu/99

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Au dernier moment, elle était seule dans un cabinet, au fond de son appartement ; les portes de la chambre et du salon étaient restées ouvertes ; elle s’occupait à mettre en ordre des papiers importants qu’elle triait avec un soin religieux, ne voulant brûler avant de fuir que ce qui aurait pu compromettre des parents ou des amis d’émigrés restés à Paris. Ces papiers étaient, pour la plupart, des lettres de sa mère, de son frère, des reçus d’argent envoyé à des officiers de l’armée de Condé ou à d’autres émigrés, des commissions données en secret par des personnes de province suspectes d’aristocratie, des demandes de secours adressées par de pauvres parents et par des amis sortis de France ; enfin, il y avait, dans le carton et dans les tiroirs qu’elle s’occupait à vider, de quoi la faire guillotiner dans les vingt-quatre heures, et cinquante personnes avec elle.

Assise sur un grand canapé près de la cheminée, elle commençait à brûler les lettres les plus dangereuses, et serrait à mesure dans une cassette celles qu’elle croyait pouvoir laisser après elle sans inconvénient, dans l’espoir de les retrouver un jour : tant elle avait de répugnance à détruire ce qui lui venait de ses amis ou de ses parents !

Tout à coup elle entend ouvrir la première porte de son appartement, celle qui donnait de la salle à