Page:Custine - La Russie en 1839 troisieme edition vol 2, Amyot, 1846.djvu/181

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d’être seul de son avis sur lui-même deviendra timide par vanité.

Mais le plus souvent la timidité est purement physique, c’est une maladie.

Il y a des hommes qui ne peuvent sentir, sans un malaise inexplicable, le regard humain s’arrêter sur eux. Ce regard les pétrifie : il les gêne en marchant, en pensant, il les empêche de parler, de se mouvoir ; ceci est si vrai que j’ai souvent souffert de cette timidité physique dans les villages où j’attirais tous les yeux, en ma qualité d’étranger, bien plus que dans les salons les plus imposants, où personne ne faisait attention à moi. Je pourrais écrire un traité sur les divers genres de timidité, car j’en suis le modèle accompli ; personne n’a plus gémi que moi, dès mon enfance, des atteintes de ce mal incurable, mais, grâce à Dieu, à peu près inconnu aux hommes de la génération qui suit la mienne ; ce qui prouverait qu’outre la prédisposition physique la timidité est surtout le résultat de l’éducation.

L’habitude du monde fait qu’on dissimule cette infirmité, voilà tout : les plus timides des hommes sont souvent les plus éminents en naissance, en dignités et même en mérite. J’avais cru longtemps que la timidité était de la modestie combinée avec un respect exagéré pour les distinctions sociales ou pour les dons de l’esprit ; mais alors comment expliquer la