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Page:Custine - La Russie en 1839 troisieme edition vol 2, Amyot, 1846.djvu/211

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tant il est vrai que nous avons besoin que les objets de notre compassion conservent quelque sentiment de leur propre dignité pour que nous puissions prendre sérieusement part à leur peine !  !… la pitié est une association ; et quel est l’homme, si compatissant qu’il soit, qui voudrait s’associer à ce qu’il méprise ?

On l’emporte enfin quoiqu’il oppose une résistance désespérée et assez longue : une petite barque amenée à l’instant même par d’autres agents de police s’approche rapidement : on garrotte le prisonnier, et, les mains attachées derrière le dos, on le jette sur le nez au fond du bateau ; cette seconde chute, fort rude encore, est suivie d’une grêle de coups ; ce n’est pas tout, et vous n’êtes pas au bout du supplice préalable ; le sergent qui l’a saisi ne voit pas plutôt la victime abattue qu’il lui saute sur le corps ; je m’étais approché, j’ai donc été témoin de ce que je vous raconte. Ce bourreau étant descendu à fond de cale et marchant sur le dos du patient, se mit à trépigner à coups redoublés sur ce pauvre homme, et à fouler aux pieds le malheureux comme on vendange la grappe dans le pressoir. Pendant cette horrible exécution, les hurlements féroces du supplicié redoublèrent d’abord ; mais quand ils commencèrent à faiblir j’ai senti que la force me manquait à moi-même et j’ai fui : ne pouvant rien empêcher, j’en avais vu trop….. Voilà ce qui s’est