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LETTRE DIX-NEUVIÈME.


Pétersbourg, ce Ier août 1839.

La dernière fois que j’ai pu vous envoyer de mes nouvelles, je vous ai promis de ne pas revenir en France avant d’avoir poussé jusqu’à Moscou ; depuis ce moment, vous ne pensez plus qu’à cette cité fabuleuse, fabuleuse en dépit de l’histoire[1]. En effet, le nom de Moscou a beau être assez moderne et nous rappeler les faits les plus positifs de notre siècle, la distance des lieux, la grandeur des événements, le rendent poétique par-dessus tout autre nom. Ces scènes de poëme épique ont une grandeur qui contraste d’une manière bizarre avec l’esprit de notre siècle de géomètres et d’agioteurs. Je suis donc très impatient d’atteindre Moscou ; c’est maintenant le but de mon voyage ; je pars dans deux jours ; mais, d’ici là, je vous écrirai plus assidûment que jamais, car je tiens à compléter, selon mes moyens, le tableau de ce vaste et singulier Empire.

On ne saurait se figurer la tristesse de Saint-Pétersbourg les jours où l’Empereur est absent ; à la vérité cette ville n’est, en aucun temps, ce qui s’appelle gaie ; mais sans la cour, c’est un désert : vous savez d’ailleurs qu’elle est toujours menacée de des-

  1. Ceci répond à une lettre reçue de Paris.