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Page:Custine - La Russie en 1839 troisieme edition vol 2, Amyot, 1846.djvu/59

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Au premier étage, on avait dressé des tentes sur des terrasses pour y mettre la table de l’Empereur et celles des personnes invitées au souper. Il régnait dans cette fête, moins nombreuse que les précédentes, un désordre si magnifiquement ordonné, qu’elle m’a plus diverti que toutes les autres. Sans parler de la gêne comique, exprimée par certaines physionomies obligées d’affecter pour un temps la simplicité champêtre, c’était une soirée tout à fait originale, une espèce de Tivoli Impérial où l’on se sentait presque libre, quoiqu’en présence d’un maître absolu. Le souverain qui s’amuse ne paraît plus un despote ; ce soir-là, l’Empereur s’amusait.

Je vous ai dit que jusqu’à l’heure d’entrer dans la rotonde, on avait dansé en plein air : heureusement que les excessives chaleurs de cette année avaient favorisé la duchesse dans son plan. Sa maison d’été est située dans la plus jolie partie des îles ; c’est donc là qu’au milieu d’un jardin éblouissant de fleurs en pots, mais qui toutes paraissaient venues naturellement sur un gazon anglais, autre merveille, elle avait fait établir une salle de danse à découvert : c’était un superbe parquet de salon posé sur une pelouse, et entouré d’élégantes balustrades toutes garnies de fleurs. Cette salle originale, à laquelle le ciel servait de plafond, ressemblait assez au tillac d’un vaisseau pavoisé pour une fête maritime : on y accédait d’un côté par quel-