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Page:Custine - La Russie en 1839 troisieme edition vol 3, Amyot, 1846.djvu/240

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reçut en Russie le surnom de Terrible ; mais terrible seulement à ses ennemis et aux rebelles. Cependant, sans être un tyran comme son petit-fils Jean IV, il avait reçu de la nature une certaine dureté de caractère, qu’il savait modérer par la force de sa raison. Les fondateurs des monarchies se sont rarement fait distinguer par leur sensibilité ; et la fermeté nécessaire pour les grandes actions politiques est bien voisine de la rudesse. On dit qu’un seul regard de Jean, lorsqu’il était enflammé de colère, suffisait pour faire évanouir les femmes timides ; que les solliciteurs craignaient de s’approcher du trône ; qu’à sa table même, les grands tremblaient devant lui, n’osant proférer une seule parole, ni faire le plus léger mouvement, lorsque le monarque, fatigué d’une bruyante conversation, et échauffé par le vin, s’abandonnait au sommeil vers la fin du repas : tous assis dans un profond silence, attendaient un nouvel ordre pour le divertir, ou pour se livrer eux-mêmes à la joie.

« Nous ajouterons aux remarques que nous avons déjà faites sur la sévérité de Jean, que les dignitaires marquants, tant séculiers que membres du clergé, dépouillés de leurs emplois pour quelque crime, n’étaient pas exempts du terrible supplice du knout. En 1491, par exemple, le prince Oukhtomsky, le gentilhomme Khomoutof et l’Archimandrite de Tchoudof furent knoutés publiquement pour un faux titre qu’ils avaient fabriqué, à l’effet de s’approprier un domaine appartenant à l’un des frères du grand prince.

« L’histoire n’étant point un panégyrique, il est impossible qu’elle ne trouve pas quelques taches dans la vie des plus grands hommes eux-mêmes. À ne considérer que l’homme dans Jean III, il n’eut point les aimables qualités de Monomaque, ni celles de Dmitri Donskoï ; mais comme souverain, il s’est placé au plus haut degré de grandeur. Toujours guidé par la circonspection, il parut quelquefois timide ou indécis : mais cette irrésolution fut toujours de la prudence,