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Page:Custine - La Russie en 1839 troisieme edition vol 3, Amyot, 1846.djvu/244

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rents, jusqu’à sa mère ; enfin, à s’accuser, à se rendre indigne de vivre, et à se condamner lui-même à mort sous peine de mort.

« Ce long crime dure cinq mois. Il a ses redoublements. Dans les deux premiers, l’exil et le dépouillement de plusieurs grands, l’exhérédation d’un fils, l’emprisonnement d’une sœur, la réclusion, la flagellation de sa première femme, le supplice d’un beau-frère, ne suffisent point.

« Pourtant, dans une même journée, Glébof, un général russe, amant avéré de la Czarine répudiée, vient d’être empalé au milieu d’un échafaud dont les têtes d’un évêque, d’un boyard et de deux dignitaires roués et décapités, marquent les quatre coins[1]. Cet horrible échafaud est lui-même entouré d’un cercle de troncs d’arbres sur lesquels plus de cinquante prêtres et autres citoyens ont eu la tête tranchée.

« Vengeance effroyable contre ceux dont les intrigues et l’obstination superstitieuse jetèrent ce cœur inflexible dans la nécessité de sacrifier son fils à son Empire ! Punition cent fois plus coupable que la faute ; car, pour tant d’atrocités, quel motif peut être une excuse ? Mais il semble que, poussé par cet instinct soupçonneux des gouvernements contre nature, Pierre se soit obstiné à chercher et à trouver une conspiration où il n’existait qu’une inerte opposition de mœurs, qui espérait et attendait sa mort pour éclater.

« Et pourtant cette horrible boucherie a trouvé des flatteurs ! Le vainqueur de Pultawa s’en est lui-même enorgueilli comme d’une victoire. « Quand le feu, a-t-il dit, a rencontre la paille, il la consume ; mais s’il rencontre du fer, il faut qu’il s’éteigne, » Puis il s’est promené froidement au milieu de ces supplices. On dit même que, poussé par une inquiète férocité, il est venu jusque sur son échafaud

  1. Bruce.