Page:Custine - La Russie en 1839 troisieme edition vol 3, Amyot, 1846.djvu/26

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bienveillance par une grande facilité ; ne croyez pas que ce manége puisse s’exercer longtemps sans réagir sur le jugement de celui qui s’en impose la contrainte, J’aurais fini par me persuader que, sur beaucoup de points, je pensais comme ils pensent, ne fût-ce que pour m’excuser à mes propres yeux de la faiblesse de parler comme ils parlent. Des opinions que vous n’osez réfuter, quelque peu fondées que vous les trouviez d’abord, finissent par modifier les vôtres : quand la politesse va jusqu’à une tolérance aveugle, elle équivaut à une trahison envers soi-même : elle nuit au coup d’œil de l’observateur qui doit vous montrer les choses et les personnes non comme il les veut, mais comme il les voit.

Et encore, malgré toute l’indépendance dont je me targue, suis-je souvent forcé pour ma sûreté personnelle de flatter l’amour-propre féroce de cette nation ombrageuse, parce que tout peuple à demi barbare est défiant. Ne croyez pas que mes jugements sur les Russes et sur la Russie étonnent ceux des diplomates étrangers qui ont eu le loisir, le goût et le temps d’apprendre à connaître cet Empire : soyez sûr qu’ils sont de mon avis ; mais c’est ce dont ils ne conviendront pas tout haut….. Heureux l’observateur placé de manière à ce que personne n’ait le droit de lui reprocher un abus de confiance !

Toutefois je ne me dissimule pas les inconvénients