Page:Custine - La Russie en 1839 troisieme edition vol 3, Amyot, 1846.djvu/67

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public, c’est-à-dire une tranquillité morne, une paix effrayante, car elle tient de celle du tombeau ; les Russes sont fiers de ce calme. Tant qu’un homme n’a pas pris son parti de marcher à quatre pattes, il faut bien qu’il s’enorgueillisse de quelque chose, ne fût-ce que pour conserver son droit au titre de créature humaine… Que si l’on parvenait à me prouver la nécessité de l’injustice et de la violence pour obtenir de grands résultats politiques, j’en conclurais que le patriotisme, loin d’être une vertu civique, comme on l’a dit jusqu’à présent, est un crime de lèse-humanité.

Les Russes s’excusent à leurs propres yeux par la pensée que le gouvernement qu’ils subissent est favorable à leurs ambitieuses espérances ; mais tout but qui ne peut être atteint que par de tels moyens est mauvais. Ce peuple est intéressant ; je reconnais chez les individus des dernières classes une sorte d’esprit dans leur pantomime, de souplesse, de prestesse dans leurs mouvements, de finesse, de mélancolie, de grâce dans leur physionomie qui dénote des hommes de race : on en fait des bêtes de somme. Me persuadera-t-on qu’il faille superposer les dépouilles de ce bétail humain dans le sol, pour que la terre s’engraisse pendant des siècles avant de pouvoir produire des générations dignes de recueillir la gloire que la Providence promet aux Slaves ? La