Page:Custine - La Russie en 1839 troisieme edition vol 3, Amyot, 1846.djvu/79

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la poésie du steppe ; il ne reste que l’étendue de l’espace, et l’ennui de la stérilité. C’est nu et pauvre, ce n’est pas imposant comme un sol illustré par la gloire de ses habitants, comme la Grèce ou la Judée dévastées par l’histoire, et devenues le poétique cimetière des nations ; ce n’est pas non plus grandiose comme une nature vierge : ce n’est que laid, c’est une plaine tantôt aride, tantôt marécageuse, et ces deux espèces de stérilité varient seules l’aspect des paysages. Quelques villages de moins en moins soignés à mesure qu’on s’éloigne de Pétersbourg, attristent le paysage au lieu de l’égayer. Les maisons ne sont que des amas de troncs d’arbres assez bien joints, supportant des toits de planches auxquels on ajoute quelquefois pour l’hiver une double couverture en chaume. Ces habitations doivent être chaudes, mais leur aspect est attristant : elles ressemblent aux baraques d’un camp ; seulement elles sont plus sales que l’intérieur des baraques provisoires des soldats.

Les chambres de ces cases sont infectes, noires, et l’on y manque d’air. Il ne s’y trouve pas de lits : l’été on dort sur des bancs qui forment divan le long des murs de la salle, et l’hiver sur le poêle, ou sur le plancher autour du poêle, c’est-à-dire qu’un paysan russe campe toute sa vie. Le mot demeurer suppose une manière de vivre confortable, des habitudes domestiques ignorées de ce peuple.