Page:Custine - La Russie en 1839 troisieme edition vol 4, Amyot, 1846.djvu/105

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Les jolies paysannes sont rares en Russie ; c’est ce que je répète chaque jour ; pourtant celles qui sont belles le sont parfaitement. Leurs yeux, taillés en amande, ont une expression particulière ; la coupe de leurs paupières est pure et nette, mais le bleu de la prunelle est souvent trouble, ce qui rappelle le portrait des Sarmates, par Tacite, qui dit qu’ils ont les yeux glauques ; cette teinte donne à leur regard voilé une douceur, une innocence dont le charme devient irrésistible. Elles ont à la fois la délicatesse des vaporeuses beautés du Nord, et la volupté des femmes de l’Orient. L’expression de bonté de ces ravissantes créatures inspire un sentiment singulier : c’est un mélange de respect et de confiance. Il faut venir dans l’intérieur de la Russie pour savoir tout ce que valait l’homme primitif, et tout ce que les raffinements de la société lui ont fait perdre. Je l’ai dit, je le répète, et je le répèterai peut-être encore avec plus d’un philosophe : dans ce pays patriarcal, c’est la civilisation qui gâte l’homme. Le Slave était naturellement ingénieux, musical, presque compatissant ; le Russe policé est faux, oppresseur, singe et vaniteux. Un siècle et demi sera nécessaire pour mettre ici d’accord les mœurs nationales avec les nouvelles idées européennes, en supposant toutefois que, pendant cette longue succession de temps, les Russes ne soient gouvernés que par des princes éclairés, et