Page:Custine - La Russie en 1839 troisieme edition vol 4, Amyot, 1846.djvu/192

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quelque chose, à la vérité le contraire de ce qu’on attend d’eux ; mais c’est assez pour qu’on ne puisse remarquer leur silence ; enfin il y avait encore à ce dîner une famille de jeunes élégants anglais du plus haut rang, et que je suis comme à la piste depuis mon arrivée en Russie, les rencontrant partout, ne pouvant les éviter, et cependant n’ayant jamais trouvé l’occasion de faire directement connaissance avec eux. Tout ce monde trouvait place à la table du gouverneur, sans compter quelques employés et diverses personnes du pays qui n’ouvraient la bouche que pour manger. Je n’ai pas besoin d’ajouter que la conversation générale était impossible dans un pareil cercle. Il fallait, pour tout divertissement, se contenter d’observer la bigarrure des noms, des physionomies et des nations. Dans la société russe, les femmes n’arrivent au naturel qu’à force de culture ; leur langage est appris, c’est celui des livres ; et pour perdre la pédanterie qu’ils inspirent, il faut une mûre expérience des hommes et des choses. La femme du gouverneur est restée trop provinciale, trop elle-même, trop russe, trop vraie enfin pour paraître simple comme les femmes de la cour ; d’ailleurs elle a peu de facilité à parler français. Hier, dans son salon, son influence se bornait à recevoir ses hôtes avec des intentions de politesse les plus louables du monde ; mais elle ne faisait rien pour les mettre à leur aise, ni pour