Page:Custine - La Russie en 1839 troisieme edition vol 4, Amyot, 1846.djvu/200

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paysans spoliés, on leur envoya une copie de leur miraculeuse enseigne ; copie, ajouta-t-on par une condescendance dérisoire, exactement semblable à l’original.

Telles sont les leçons de morale et de bonne foi données au peuple russe par son gouvernement. À la vérité, un pareil gouvernement ne se conduirait pas de la même façon ailleurs s’il y pouvait naître ; en fait de fourberie, on sait à qui l’on s’adresse ; il y a ici parfaite analogie entre le trompeur et le trompé : la force seule établit entre eux une différence.

C’est peu ! vous allez apprendre qu’en ce pays la vérité historique n’est pas plus respectée que ne l’est la religion du serment ; l’authenticité des pierres est aussi impossible à établir ici que l’autorité des paroles ou des écrits. À chaque nouveau règne, les édifices sont repétris comme de la pâte au gré du souverain ; et grâce à l’absurde manie qu’on décore du beau titre de mouvement progressif de la civilisation, nul édifice ne demeure à la place où l’a mis le fondateur ; les tombeaux eux-mêmes ne sont pas à l’abri de la tempête du caprice Impérial. Les morts en Russie sont assujettis eux-mêmes aux fantaisies de l’homme qui régit les vivants. L’empereur Nicolas, qui aujourd’hui tranche de l’architecte à Moscou pour y refaire le Kremlin, n’en est pas à son coup d’essai en ce genre ; Nijni l’a déjà vu à l’œuvre.