Page:Custine - La Russie en 1839 troisieme edition vol 4, Amyot, 1846.djvu/207

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À ce propos je veux insérer ici un détail que j’ai négligé de vous marquer dans mes lettres précédentes.

Vous vous rappelez l’ancien palais des Czars au Kremlin, vous savez qu’avec ses étages en retraite, ses ornements en relief, ses peintures asiatiques, il fait l’effet d’une pyramide de l’Inde. Les meubles de ce palais étaient sales et usés : on a envoyé à Moscou des ébénistes et des tapissiers habiles qui ont fait de ces vieux meubles des copies exactement pareilles. Ainsi le mobilier, toujours le même, quoique renouvelé de fond en comble, est devenu l’ornement du palais restauré, recrépi, repeint, quoique toujours antique ; c’est un miracle. Mais depuis que les nouveaux vieux meubles parent le palais rebâti, replâtré, les débris authentiques des anciens ont été vendus à l’encan dans Moscou même, sous les yeux de tout le monde. En ce pays, où le respect pour la souveraineté est une religion, il ne s’est trouvé personne qui voulût sauver les dépouilles royales du sort des meubles les plus vulgaires, ni protester contre une impiété révoltante. Ce qu’on appelle ici entretenir les vieilles choses, c’est baptiser des nouveautés sous des noms anciens ; soigner, c’est refaire des œuvres modernes avec des débris, espèce de soin qui équivaut, ce me semble, à de la barbarie.

Nous avons visité un joli couvent de femmes ; elles