Page:Custine - La Russie en 1839 troisieme edition vol 4, Amyot, 1846.djvu/228

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auquel il est soumis. Sous ce régime, l’homme se trouve lié à la terre par des nœuds indissolubles, puisqu’on le vend avec elle ; or, au lieu de reconnaître que c’est lui qui est fixe et la terre qui est mobile ; en un mot, au lieu de savoir et d’avouer qu’il appartient à cette terre au moyen de laquelle d’autres hommes disposent de lui despotiquement, il s’imagine que c’est la terre qui lui appartient. À la vérité, cette erreur de jugement se réduit à une véritable illusion d’optique ; car tout possesseur qu’il croit être du sol, il ne comprend pas qu’on puisse vendre la terre sans vendre les hommes qui l’habitent. Ainsi quand il change de maître, il ne se dit pas qu’on a vendu le sol au nouveau propriétaire ; il se figure que c’est sa personne qui a été vendue d’abord, et puis il pense qu’on a livré par-dessus le marché sa terre, la terre qui l’a vu naître, qu’il cultive pour se nourrir. Donnez donc la liberté à des hommes qui par leur intelligence des lois sociales sont à peu près au niveau des arbres et des plantes !…

M. Guibal (toutes les fois que je suis autorisé à citer un nom, j’use de la permission), M. Guibal, fils d’un maître d’école, fut exilé sans motif, du moins sans explication, et sans qu’il pût deviner ce dont on l’accusait, dans un village de Sibérie, aux environs d’Orenbourg. Une chanson qu’il a composée pour tromper son ennui, est recueillie d’abord par un