Page:Custine - La Russie en 1839 troisieme edition vol 4, Amyot, 1846.djvu/239

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traits, et leurs attitudes sont gracieuses quoique souvent imposantes. En un mot, elles ont du style comme les sibylles de Michel-Ange.

Leur chant est à peu près le même que celui des bohémiens de Moscou, mais il m’a paru plus expressif encore, plus fort et plus varié. On m’assure qu’elles ont de la fierté dans l’âme ; elles sont passionnées, mais elles ne sont ni légères ni vénales et elles repoussent souvent avec dédain, dit-on, des offres avantageuses.

Plus je vis, plus je m’étonne de ce qui reste de vertu aux gens qui n’en ont pas. Les personnes le plus décriées à cause de leur état, sont souvent comme les nations qu’on dit dégradées par leurs gouvernements, pleines de grandes qualités méconnues, tandis qu’au contraire on est désagréablement surpris en découvrant les faiblesses des gens fameux et le puéril caractère des peuples soi-disant bien gouvernés. Les conditions des vertus humaines sont presque toujours des mystères impénétrables à la pensée des hommes.

L’idée de réhabilitation que je ne fais ici qu’indiquer, a été mise dans tout son jour et défendue avec l’éclat d’un talent puissant par l’un des esprits les plus hardis de notre époque et de toutes les époques. Il semble que Victor Hugo ait voulu consacrer son théâtre à révéler au monde ce qui reste d’humain, c’est-à-dire de divin, dans l’âme des créatures de Dieu le plus réprouvées par la société ; ce but est