Page:Custine - La Russie en 1839 troisieme edition vol 4, Amyot, 1846.djvu/245

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tique ; mais le calculateur, avant d’additionner ses sommes pour en faire un total, ne va pas sur les lieux voir de quoi se composent les forêts enregistrées sur le papier. Il y trouverait le plus souvent un amas de broussailles bonnes à faire des bourrées, ou bien il s’y perdrait dans des landes entrecoupées de champs d’ajoncs et de fougères ! Cependant l’appauvrissement des fleuves se fait déjà sentir, et ce symptôme, inquiétant pour la navigation, ne peut être attribué qu’à la quantité d’arbres abattus dans le voisinage des sources et le long des cours d’eau qui facilitent le flottage. Mais avec leurs cartons pleins de rapports satisfaisants, les Russes s’inquiètent peu de la dilapidation des seules richesses naturelles de leur sol. Leurs bois sont immenses… dans les bureaux du ministère ; ceci leur suffit. Grâce à cette quiétude administrative, on peut prévoir le moment où ils se chaufferont au feu des paperasses entassées dans leurs chancelleries ; cette richesse-là s’accroît tous les jours.

Ce que je vous dis est hardi, révoltant même, sans qu’il y paraisse ; l’amour-propre chatouilleux des Russes impose aux étrangers des devoirs de convenances auxquels je ne me soumets pas et dont vous ne vous doutez guère. Ma sincérité me rend coupable d’un crime dans la pensée des hommes de ce pays. Voyez l’ingratitude !!! le ministre me donne un feld-