Page:Custine - La Russie en 1839 troisieme edition vol 4, Amyot, 1846.djvu/258

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choses, le langage de toutes les personnes, et la physionomie de tous les visages. Moscou, ville marchande, ville occupée d’affaires, hier, est aujourd’hui agitée et troublée comme une petite bourgeoise attendant la visite d’un grand seigneur. Des palais presque toujours déserts s’ouvrent et s’illuminent : des jardins s’embellissent partout ; des fleurs et des flambeaux luttent à l’envi d’éclat et de gaieté forcés ; des murmures flatteurs parcourent tout bas la foule, des pensers plus flatteurs et plus secrets encore s’éveillent dans les esprits ; tous les cœurs battent d’une joie sincère, car les ambitieux se séduisent eux-mêmes, et les plaisirs qu’ils affectent beaucoup, ils les ressentent un peu.

Cette magie du pouvoir m’épouvante, j’ai peur d’éprouver moi-même les effets du prestige et de devenir courtisan, si ce n’est par calcul, au moins par amour du merveilleux.

Un Empereur de Russie à Moscou, c’est un roi d’Assyrie à Babylone.

La présence de celui-ci opère en ce moment, dit-on, bien d’autres miracles à Borodino. Une ville entière vient de naître, et cette ville, à peine sortie du désert, est destinée à durer une semaine : on a planté jusqu’à des jardins autour du palais ; ces arbres, qui vont mourir, ont été transportés là de bien loin et à grands frais pour représenter des ombrages antiques ;