Page:Custine - La Russie en 1839 troisieme edition vol 4, Amyot, 1846.djvu/334

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

Un gouvernement soi-disant vigoureux et qui se fait impitoyablement respecter en toute occasion, doit nécessairement rendre les hommes misérables. Dans les sociétés, tout peut servir au despotisme, quelle que soit d’ailleurs la fiction, monarchique ou démocratique, qu’on y laisse dominer. Partout où le jeu de la machine publique est rigoureusement exact, il y a despotisme. Le meilleur des gouvernements est celui qui se fait le moins sentir ; mais on n’arrive à cet oubli du joug que par un génie et une sagesse supérieurs, ou par un certain relâchement de la discipline sociale. Les gouvernements, toujours bienfaisants dans la jeunesse des peuples, lorsque les hommes à demi sauvages honorent tout ce qui les arrache au désordre, le redeviennent dans la vieillesse des nations. À cette époque, on voit naître les constitutions mixtes. Mais ces gouvernements, fondés sur un pacte entre l’expérience et la passion, ne peuvent convenir qu’à des populations déjà fatiguées, à des sociétés dont les ressorts sont usés par les révolutions. On doit conclure de là que s’ils ne sont pas les plus solides, ils sont les plus doux ; donc, les peuples qui les ont une fois obtenus ne sauraient trop en prolonger la durée : c’est celle d’une verte vieillesse. Qu’on ne dise pas que les nations sans cesse renouvelées ne vieillissent point : il y a des pays où, après de longs siècles de civilisation, les enfants