Page:Custine - La Russie en 1839 troisieme edition vol 4, Amyot, 1846.djvu/340

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du peuple, malgré la protection des rois, ou pour mieux dire à cause de cette protection qui les place dans la dépendance du prince, même en ce qui concerne leur mission divine.

Les peuples se connaissent en liberté ; ils n’obéiront jamais du fond du cœur à un clergé dépendant.

Il suit de là que le monde aura fait un grand pas lorsqu’il aura reconnu qu’en matière de religion, ce qu’il y a d’essentiel, ce n’est pas d’obtenir la liberté du troupeau, c’est d’assurer celle du pasteur.

Ne me demandez donc plus d’où vient que les Russes n’imaginent rien, et pourquoi les Russes ne savent que copier sans perfectionner…

Lorsque en Occident les descendants des Barbares étudiaient les anciens avec une vénération qui tenait de l’idolâtrie, ils les modifiaient pour se les approprier ; qui peut reconnaître Virgile dans le Dante ? Homère dans le Tasse ? Justinien même et les lois romaines dans les codes de la féodalité ? L’imitation de maîtres entièrement étrangers aux mœurs modernes, pouvait polir les esprits en formant la langue ; elle ne pouvait les réduire à une reproduction servile. Le respect passionné qu’ils professaient pour le passé, loin d’étouffer leur génie, l’éveillait ; mais ce n’est pas ainsi que les Russes se sont servis de nous.

Quand on contrefait la forme d’une société sans