Page:Custine - La Russie en 1839 troisieme edition vol 4, Amyot, 1846.djvu/362

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tellement dépendants des choses, qu’on ne sait à qui remonter, ni jusqu’où descendre pour demander compte des faits. Et ce sont les grands seigneurs d’un tel pays qui prétendent ressembler aux Français !!…

Les rois de France, dans les temps de barbarie, ont fait souvent couper la tête à leurs grands vassaux ; l’un d’eux, de tyrannique mémoire, a voulu, par un raffinement de cruauté, que le sang du père fût versé sur les enfants placés au-dessous de l’échafaud : néanmoins, quelle que fût la rigueur de ces princes absolus, lorsqu’ils tuaient leur ennemi, lorsqu’ils le dépouillaient de ses biens, ils se gardaient d’avilir en lui, par un arrêt dérisoire, sa caste, sa famille, son pays : un tel oubli de toute dignité aurait révolté les peuples de France, même ceux du moyen âge. Mais le peuple russe souffre bien autre chose. Disons mieux, il n’y a pas encore de peuple russe… Il y a des Empereurs qui ont des serfs, et des courtisans qui ont aussi des serfs : tout cela ne fait pas un peuple.

La classe moyenne, jusqu’à ce jour peu nombreuse en proportion des autres, se compose presque uniquement des étrangers ; quelques paysans affranchis par leur richesse, et les plus petits employés, montés de quelques degrés, commencent à la grossir : l’avenir de la Russie dépend de ces nouveaux bourgeois, d’origines tellement diverses, qu’ils ne peuvent guère