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Page:Custine - La Russie en 1839 troisieme edition vol 4, Amyot, 1846.djvu/435

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cela, dit-on aux Russes ; oui, répondent-ils, mais personne n’en a jamais entendu parler. Sous le bon et grand prince Ivan III, on montait sur l’échafaud comme intrigant[1] ; aujourd’hui encore un homme pourrait bien expier en Sibérie le crime d’inconvenance.

Cette pièce, traduite du russe par la personne qui me l’a procurée, est la relation de la captivité et du renvoi en Danemark, sous le règne de Catherine II, des princes et des princesses de Brunswick, frères et sœurs d’Ivan VI, le prisonnier de Schlusselbourg. On frémit en lisant les preuves de l’abrutissement de ces malheureuses créatures, chez lesquelles toutes les idées de la vie se confondaient avec les habitudes de la prison, et qui pourtant sentaient leur position. Le trône auquel elles avaient droit était occupé par l’épouse de Pierre III succédant à sa victime, qui elle-même n’avait régné que par l’usurpation.

Je fais précéder ce récit véridique d’une généalogie de la maison de Romanoff[2], qui prouve que les prisonniers descendaient en droite ligne du Czar Ivan V. La famille du prince de Brunswick fut la victime des souverains par lesquels elle avait été dépossédée ; car, dans l’histoire de Russie, le droit s’expie et le crime se récompense.

Si l’on veut bien apprécier l’hypocrisie de la Czarine dans sa conduite envers ses prisonniers, il ne faut pas oublier que le présent récit est écrit pour l’Impératrice elle-même, et que par conséquent chaque fait y est présenté sous le point de vue le plus convenable, et en même temps le plus satisfaisant pour la grande âme de Catherine II, Ce morceau doit être lu

  1. Voyez page 357 du Résumé.
  2. Voir le tableau généalogique ci-joint.