Page:Custine - La Russie en 1839 troisieme edition vol 4, Amyot, 1846.djvu/66

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française du meilleur temps, et quoique jeune encore, elle me rappelle, par la noble simplicité de son maintien, les manières des personnes âgées que j’ai connues dans mon enfance. Ce sont les traditions de la vieille cour, le respect de toutes les convenances, le bon goût dans sa perfection, car il s’élève jusqu’à la bonté, jusqu’au naturel ; enfin c’est le grand monde de Paris dans ce qu’il avait de plus séduisant au temps où notre supériorité sociale était incontestée ; au temps où madame de Marsan, se réduisant à une modeste pension, s’enfermait volontairement dans un petit appartement, à l’Assomption, et engageait pour dix ans ses immenses revenus afin d’aider son frère, le prince de Guémenée, à payer ses dettes en atténuant autant qu’il dépendait d’elle, par ce noble sacrifice, le scandale d’une banqueroute de grand seigneur.

Tout cela ne m’apprendra rien sur le pays que je parcours, pensais-je ; mais j’y trouve un plaisir dont je me garde de me défendre, car il est devenu plus rare peut-être que la satisfaction de simple curiosité qui m’attirait ici.

Je me crois dans la chambre de ma grand’mère[1], à la vérité les jours où le chevalier de Boufflers n’y était pas, ni madame de Coaslin, ni même la maî-

  1. La comtesse de Sabran, depuis marquise de Boufflers, morte à Paris en 1827, à soixante-dix-huit ans.