Page:Custine - La Russie en 1839 troisieme edition vol 4, Amyot, 1846.djvu/97

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reculent immanquablement au risque de jeter l’équipage dans les fossés ; mais à chaque embarras de ce genre, je répète en me moquant de la prétention des Russes : Il n’y a pas de distance en Russie !!

Cette manière de cheminer par à-coup est conforme au caractère des hommes, analogue au tempérament des bêtes, et presque toujours d’accord avec la nature du sol. Cependant s’il arrive par hasard que le terrain que vous avez à parcourir soit profondément inégal, vous vous trouvez arrêté à chaque pas par la fougue des chevaux et par l’inexpérience des hommes. Ceux-ci sont lestes et adroits, mais leur intelligence ne peut suppléer aux connaissances qui leur manquent ; nés pour la plaine, ils ignorent la vraie manière de dresser les chevaux pour voyager dans les montagnes. À la première marque d’hésitation tout le monde met pied à terre, les domestiques poussent à la roue, de trois en trois pas on est forcé de laisser souffler l’attelage ; alors on retient la voiture avec une grosse bûche jetée derrière ; puis pour aller plus loin, on excite les bêtes de la bride, de la voix, de la main, on les prend par la tête, on leur frotte les naseaux avec du vinaigre afin de les aider à respirer ; enfin, moyennant ces précautions, et des cris de sauvages, et des coups de fouet assenés ordinairement avec un à-propos que je ne me lasse pas d’admirer, vous atteignez à grand peine la cime de ces