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Page:Cuvier - Recueil des éloges historiques vol 1.djvu/105

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injustices et les travers de la société. On se demande comment d'autres parties de l'histoire naturelle, les animaux, par exemple, qui présentent un spectacle plus piquant et plus varié, qui conduisent à des idées plus profondes, n'ont point attiré l'attention de ces divers amateurs ? La raison en paraît fort simple, l'étude des animaux a des difficultés qu'un grand zèle peut seul faire surmonter ; il faut se livrer aux tourments, pour apprécier leurs facultés physiques ; leurs ressorts sont intérieurs, et ce n'est que le scalpel à la main, ce n'est qu'en vivant parmi les cadavres, qu'on peut les reconnaître. D'ailleurs nous retrouvons parmi eux le même spectacle que dans le monde : quoi qu'en aient dit nos moralistes, ils ne sont guère moins méchants ni guère moins malheureux que nous ; l'arrogance des forts, la bassesse des faibles, la vile rapacité, de courts plaisirs achetés par de grands efforts, la mort amenée par de longues douleurs, voilà ce qui règne chez les animaux comme parmi les hommes.

Dans les plantes, l'existence n'est point entourée par la peine ; aucune image triste ne ternit à nos yeux leur éclat ; rien ne nous y rappelle nos passions, nos chagrins, nos malheurs ; l'amour y est sans jalousie, la beauté sans vanité, la force sans tyrannie, la mort sans angoisses : rien n'y ressemble à l'espèce humaine.

Aussi a-t-on remarqué que ceux qui se sont livrés à la botanique ont été assez généralement des hommes religieux ; c'est qu'ils ne voyaient dans les objets de leurs études que l'ordre, la symétrie, la convenance, et qu'ils n'avaient pas d'occasion d'être frappés de ces distribu-