Page:Cuvier - Recueil des éloges historiques vol 1.djvu/162

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nos regrets sont encore dans toute leur force, ce n'est pas lorsque nous parlons, pour ainsi dire, encore appuyés sur l'urne funéraire d'un maître ou d'un ami, que l'on peut exiger de nous la froide impartialité de l'histoire. Mais n'y a-t-il pas en cela même une utilité particulière, et cette ingénieuse recherche de tout ce qu'un homme eut de louable ne peut-elle pas aussi profiter à l'humanité ? Les moralistes ordinaires sondent les replis les plus profonds du cœur humain pour y poursuivre et y dévoiler l'orgueil, la faiblesse et la vanité, sources impures et cachées de tant de vertus apparentes : ils feraient presque pardonner le vice, tant ils prouvent qu'il est commun. On entend à cette tribune des moralistes d'une autre espèce. Ils analysent aussi les ressorts secrets de notre intelligence et de notre volonté ; mais leur but est plus consolant : c'est de montrer que ces travers ou ces fautes que la médiocrité aime tant à reprocher aux hommes de génie ont presque toujours leur source dans des principes honnêtes, dans des penchants vertueux. Ils exercent d'avance l'office du temps, en effaçant les taches dont les contemporains ne se plaisent que-trop à couvrir le mérite, et en montrant à l'émulation de la jeunesse l'image des grands hommes, entourée seulement de leur gloire, et telle que la postérité la verra lorsque la jalousie aura cédé la place à la reconnaissance.

Sans doute il en est quelques-uns qui ont rendu cette bienveillance recherchée trop nécessaire à leur mémoire, et dans l'éloge desquels on n'oserait se permettre ces réflexions, parce qu'elles seraient un trop