Page:Cuvier - Recueil des éloges historiques vol 1.djvu/287

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Il y avait en Espagne d'autres Français sortis de France avant lui ; et l'on se souvient que leur politique aveugle sembla toujours consister à rendre leur parti le moins nombreux possible. Ils ne voulurent donc pas d'un émigré tardif, et il leur fut aisé, avec quelques imputations, de le faire expulser. Relégué d'abord à Xérès, embarqué ensuite à Cadix sur un mauvais navire anglais, rencontré par deux frégates françaises qui croisaient au cap Saint-Vincent, contraint de se réfugier à Lisbonne, il n'osa encore y débarquer qu'en secret, de peur que les persécutions de Madrid ne se renouvelassent. M. Correa de Serra, botaniste célèbre, aujourd'hui correspondant de l'Institut, obtint du duc de la Foens, prince du sang et président de l'Académie des sciences de Lisbonne, de le cacher dans l'hôtel de cette compagnie. C'était encore une prison ; mais combien elle dut lui paraître douce, en comparaison de celle de Montpellier ! il couchait dans la bibliothèque même de l'Académie, apprenant le portugais et faisant des extraits précieux d'anciennes relations manuscrites des premiers voyages de ce peuple autrefois si entreprenant.

Cependant les Français qui demeuraient à Lisbonne, avertis par ceux de Madrid, parvinrent à le découvrir : on fit intervenir l'inquisition, sous prétexte qu'il avait été franc-maçon ; on accusa publiquement de jacobinisme, dans une brochure, le prince qui le protégeait ; enfin les choses en vinrent au point qu'il se trouva heureux de suivre, comme médecin,