Page:Cuvier - Recueil des éloges historiques vol 1.djvu/346

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leurs travaux étaient peu connus en France, et les savants en crédit y traitaient presque tous la géologie de science chimérique.

De Saussure se dévoua à en faire une science réelle ; et pour cet effet il résolut d’y porter cet esprit rigoureux que lui avait donné l’étude des mathématiques, et tous les moyens qu’une connaissance approfondie de la physique pouvait lui fournir.

Mais ces secours auxiliaires n’auraient encore été rien sans la résolution d’observer et d’observer longtemps la nature sur les lieux.

Que ceux qui ont traversé les hautes montagnes, seulement par les grandes routes, se représentent le courage d’un homme qui se destinait à y passer sa vie, à en escalader tous les pics, à en parcourir tous les recoins, et qui abandonnait pour cela toutes les jouissances de l’amitié et de la fortune.

Faire de longs chemins dans ces hautes vallées dont jamais voiture n’approcha ; partager avec les pauvres habitants leur pain noir et durci, n’avoir pour gîte que leurs cabanes enfumées et ouvertes à tous les vents ; suivre pour tout sentier le lit pierreux d’un torrent ; s’accrocher des mains et des pieds aux arêtes tranchantes des rochers à sauter d’une de leurs pointes à l’autre par-dessus un précipice ; être surpris tantôt par des vents qui renversent, tantôt par des brouillards qui cachent le chemin ou qui glacent la poitrine ; sonder à chaque instant cette neige qui couvre peut-être un gouffre prêt à vous engloutir ; demeurer des jours et des nuits sur ces amas de glaces éternelles, dernières