Page:Cuvier - Recueil des éloges historiques vol 1.djvu/470

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pour la Russie, celui d'améliorer la culture de la vigne, dont il avait fait de grandes plantations dans la vallée de Soudac, l'ancienne Saldaca des Génois : il jugeait le pays d'autant plus propre à cette culture qu’il croyait y avoir trouvé la vigne à l’état sauvage, quoique ce ne fussent peut-être que des restes dégénérés des anciens vignobles des Grecs. Mais aucune occupation ne put l’accoutumer à une vie si triste : les marques d’estime qu’il reçut de l’Europe ne firent même qu’augmenter ses regrets et lui rappeler mieux ce qu’il avait quitté. Voulant enfin s’arracher à sa situation, il vendit ses terres à vil prix, dit pour jamais adieu à la Russie, et revint, après quarante-deux années d’absence, terminer ses jours dans sa ville natale.

Pour un homme qui avait demeuré quinze ans dans le petite Tartarie, c’était presque revenir de l'autre monde. Quelques anciens amis qu’il retrouva, semblèrent lui rappeler sa jeunesse, il en reprenait surtout la chaleur et l'éloquence lorsqu’on lui rendait compte des nouveaux progrès des sciences, dont le bruit l’avait pénétré que fort imparfaitement dans sa solitude : cette âme abattue semblait revivre tout entière à ces subites jouissances.

Les jeunes naturalistes, formés par ses ouvrages, nourris dans l’admiration de son génie, mais pour qui il n’avait été qu'un oracle invisible, l'écoutaient comme un être supérieur, venu pour les juger ; car cette longue absence avait multiplié le temps, et mis comme plusieurs générations entre eux et lui. Ils assurent qu'à l'approbation franche et prompte qu’il donna aux nou-