Page:Cuvier - Recueil des éloges historiques vol 1.djvu/69

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entre les deux amis, ce contraste parfait qu'un de nos plus aimables écrivains assure être nécessaire pour rendre une union durable ; et chacun d'eux semblait avoir reçu précisément les qualités propres à tempérer celle de l'autre par leur opposition.

Buffon, d'une taille vigoureuse, d'un aspect imposant, d'un naturel impérieux, avide en tout d'une jouissance prompte, semblait vouloir deviner la vérité, et non l'observer. Son imagination venait à chaque instant se placer entre la nature et lui, et son éloquence semblait s'exercer contre sa raison avant de s'employer à entraîner celle des autres.

Daubenton, d'un tempérament faible, d'un regard doux, d'une modération qu'il devait à la nature autant qu'à sa propre sagesse, portait dans toutes ses recherches la circonspection la plus scrupuleuse ; il ne croyait, il n'affirmait que ce qu'il avait vu et touché ; bien éloigné de vouloir persuader par d'autres moyens que par l'évidence même, il écartait avec soin de ses discours et de ses écrits toute image, toute expression propre à séduire ; d'une patience inaltérable, jamais il ne souffrait d'un retard ; il recommençait le même travail jusqu’à ce qu'il eût réussi à son gré, et, par une méthode trop rare peut-être parmi les hommes occupés de sciences réelles, toutes les ressources de son esprit semblaient s'unir pour imposer silence à son imagination.

Buffon croyait n'avoir pris qu'un aide laborieux qui lui aplanirait les inégalités de la route, et il avait trouvé un guide fidèle qui lui en indiquait les écarts et