Page:Cyrano de Bergerac - Œuvres, 1676, volume 1.djvu/27

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tombe de laſſitude : là un bouton de Roſe, enflé du mauvais ſuccez de ſon Antagoniſte, s’épanoüit de joye ; là le Lys, ce Coloſſe entre les fleurs, ce geant de lait caillé, glorieux de voir ſes images triompher au Louvre, s’éleve ſur ſes compagnes, les regarde de haut en bas, & fait devant ſoy proſterner la Violette, qui jalouſe & fâchée de ne pas monter auſſi haut, redouble ſes odeurs, afin d’obtenir de noſtre nez la preference que nos yeux luy refuſent : là le gaſon de Thin s’agenoüille humblement devant la Tulipe, à cauſe qu’elle porte un Calice ; là d’un autre coſté la Terre dépitée que les Arbres portent ſi haut & ſi loin d’elle les bouquets dont elle les a couronnez, refuſe de leur envoyer des fruits, qu’ils ne luy ayent redonné ſes fleurs. Cependant je ne trouve pas pour ces diſputes que le Printemps en ſoit moins agréable ; Mathieu Gareau ſaute de tout ſon cœur au broüet de ſa Tante ; le plus mauvais garçon du Village jure par ſa foy qu’il fera cette année grand’ peur au Papegay ; le Vigneron appuyé ſur un échalas, rit dans ſa barbe à meſure qu’il voit pleurer ſa Vigne : Enfin l’exemple de la Nature me perſuade ſi bien le plaiſir, que toute ſujetion eſtant douloureuſe, je ſuis preſque à regret,

MONSIEUR,
Voſtre Serviteur.