Page:Cyrano de Bergerac - L autre monde ou Les états et empires de la lune et du soleil, nouv éd, 1932.djvu/112

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s’étoit retiré avec ses compagnons dans les temples et dans les solitudes. « Enfin, ajouta-t-il, le peuple de votre Terre devint si stupide et si grossier, que mes compagnons et moi perdîmes tout le plaisir que nous avions autrefois pris à l’instruire. Il n’est pas que vous n’ayez entendu parler de nous, car on nous appeloit Oracles, Nymphes, Génies, Fées, Dieux Foyers, Lemures, Larves, Lamies (48), Farfadets, Naïades, Incubes, Ombres, Mânes, Spectres, et Fantômes ; et nous abandonnâmes votre monde sous le Règne d’Auguste, un peu après que je me fus apparu à Drusus, fils de Livia, qui portoit la guerre en Allemagne, et que je lui eus défendu de passer outre. Il n’y a pas longtemps que j’en suis arrivé pour la seconde fois ; depuis cent ans en çà j’ai eu commission d’y faire un voyage, j’ai rôdé beaucoup en Europe, et conversé avec des personnes que possible vous aurez connues. Un jour entre autres j’apparus à Cardan (49) comme il étudioit ; je l’instruisis de quantité de choses, et en récompense il me promit qu’il témoigneroit à la postérité de qui il tenoit les miracles qu’il s’attendoit d’écrire. J’y vis Agrippa (50), l’abbé Tritème (51), le Docteur Fauste (52), La Brosse (53), César (54), et une certaine cabale de jeunes gens que le vulgaire a connus sous le nom de « Chevaliers de la Rose-Croix (55) à qui j’ai enseigné quantité de souplesses et de secrets naturels, qui sans doute les auront fait passer chez le peuple pour de grands Magiciens. Je connus aussi Campanelle (56) ; ce fut moi qui lui conseillai, pendant qu’il étoit à l’inquisition dans Rome, de styler son visage et son corps aux postures ordinaires de ceux dont il avoit besoin de connoître l’intérieur, afin d’exciter chez soi par une même assiette les pensées que cette même situation avoit appelées dans ses adversaires, parce qu’ainsi il ménageroit mieux leur Âme quand il la connoîtroit, et il commença à ma prière