Page:Cyrano de Bergerac - L autre monde ou Les états et empires de la lune et du soleil, nouv éd, 1932.djvu/130

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pénétration des corps, car il seroit trop ridicule de croire que quand une mouche pousse de l’aile une parcelle de l’air, cette parcelle en fait reculer devant elle une autre, cette autre encore une autre, et qu’ainsi l’agitation du petit orteil d’une puce allât faire une bosse derrière le monde (79). Quand ils n’en peuvent plus, ils ont recours à la raréfaction ; mais en bonne foi comment se peut-il faire quand un corps se raréfie, qu’une particule de la masse s’éloigne d’une autre particule, sans laisser ce milieu vide ? N’auroit-il pas fallu que ces deux corps qui se viennent de séparer eussent été en même temps au même lieu ou étoit celui-ci, et que de la sorte ils se fussent pénétrés tous trois ? Je m’attends bien que vous me demanderez pourquoi donc par un chalumeau, une seringue ou une pompe, on fait monter l’eau contre son inclination : à quoi je vous répondrai qu’elle est violentée, et que ce n’est pas la peur qu’elle a du vide qui l’oblige à se détourner de son chemin (80), mais qu’étant jointe avec l’air d’une nuance imperceptible, elle s’élève quand on élève en haut l’air qui la tient embrassée (81).

« Cela n’est pas fort épineux à comprendre quand on connoît le cercle parfait et la délicate enchaînure des élémens ; car si vous considérez attentivement ce limon qui fait le mariage de la terre et de l’eau, vous trouverez qu’il n’est plus terre, qu’il n’est plus eau, mais qu’il est l’entremetteur du contrat de ces deux ennemis ; l’eau tout de même avec l’air, s’envoient réciproquement un brouillard qui pénètre aux humeurs de l’un et de l’autre pour moyenner leur paix, et l’air se réconcilie avec le feu par le moyen d’une exhalaison médiatrice qui les unit. »

Je pense qu’il vouloit encore parler ; mais on nous apporta notre mangeaille, et parce que nous avions faim