Page:Cyrano de Bergerac - L autre monde ou Les états et empires de la lune et du soleil, nouv éd, 1932.djvu/159

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étonne. Sachez donc, quoiqu’en votre Monde on gouverne la santé plus négligemment, que le régime de celui-ci n’est pas à mépriser.

« Dans toutes les maisons il y a un Physionome, entretenu du public, qui est à peu près ce qu’on appelleroit chez vous un médecin (99), hormis qu’il n’y gouverne que les sains, et qu’il ne juge des diverses façons dont il nous faut traiter que par la proportion, figure et symétrie de nos membres, par les linéamens du visage, le coloris de la chair, la délicatesse du cuir, l’agilité de la masse, le son de la voix, la teinture, la force et la dureté du poil. N’avez-vous pas tantôt pris garde à un homme de taille assez courte qui vous a considéré ? C’étoit le Physionome de céans. Assurez-vous que selon qu’il a reconnu votre complexion, il a diversifié l’exhalaison de votre dîner. Regardez combien le matelas où l’on vous a fait coucher est éloigné de nos lits ; sans doute qu’il vous a jugé d’un tempérament bien éloigné du nôtre, puisqu’il a craint que l’odeur qui s’évapore de ces petits robinets sous notre nez ne s’épandît jusqu’à vous, ou que la vôtre ne fumât jusques à nous. Vous le verrez ce soir qui choisira les fleurs pour votre lit avec la même circonspection. » Pendant tout ce discours je faisois signe à mon hôte qu’il tâchât d’obliger les Philosophes à tomber sur quelque chapitre de la science qu’ils professoient ; il m’étoit trop ami pour n’en pas faire naître aussitôt l’occasion ; c’est pourquoi je ne vous dirai point ni les discours ni les prières qui firent l’ambassade de ce traité, aussi bien la nuance du ridicule au sérieux fut trop imperceptible pour pouvoir être imitée. Tant y a, lecteur, que le dernier venu de ces Docteurs, après plusieurs autres choses, continua ainsi :

« Il me reste à prouver qu’il y a des Mondes infinis dans un Monde infini. Représentez-vous donc l’univers