Page:Cyrano de Bergerac - L autre monde ou Les états et empires de la lune et du soleil, nouv éd, 1932.djvu/187

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ce Peau-d’Âne ? Quoi ! vous ? Quoi ! moi ? Quoi ! ma servante ressusciter ? — Ce n’est point, lui répondis-je, un conte fait à plaisir ; c’est une vérité indubitable que je vous prouverai. — Et moi, dit-il, je vous prouverai le contraire :

« Pour commencer donc, je suppose que vous mangiez un mahométan ; vous le convertissez, par conséquent, en votre substance ! N’est-il pas vrai, ce mahométan, digéré, se change partie en chair, partie en sang, partie en sperme ? Vous embrasserez votre femme et de la semence, tirée tout entière du cadavre mahométan, vous jetez en moule un beau petit chrétien. Je demande : le mahométan aura-t-il son corps ? Si la terre lui rend, le petit chrétien ri aura pas le sien, puisqu’il n’est tout entier qu’une partie de celui du mahométan. Si vous me dites que le petit chrétien aura le sien, Dieu dérobera donc au mahométan ce que le petit chrétien n’a reçu que de celui du mahométan. Ainsi il faut absolument que l’un ou l’autre manque de corps ! Vous me répondrez peut-être que Dieu reproduira de la matière pour suppléer à celui qui n’en aura pas assez ? Oui, mais une autre difficulté nous arrête, c’est que le mahométan damné ressuscitant, et Dieu lui fournissant un corps tout neuf à cause du sien que le chrétien lui a Volé, comme le corps tout seul, comme l’Âme toute seule, ne fait pas l’homme, mais l’un et l’autre joints en un seul sujet, et comme le Corps et l’Ame sont parties aussi intégrantes de l’homme l’une que l’autre, si Dieu pétrit à ce mahométan un autre corps que le sien, ce n’est plus le même individu. Ainsi Dieu damne un autre homme que celui qui a mérité l’Enfer ; ainsi ce corps a paillardé, ce corps a criminellement abusé de tous ses sens, et Dieu, pour châtier ce corps, en jette un autre feu, lequel est vierge, lequel est pur, et qui ri a jamais prêté ses organes à l’opération du moindre crime. Et ce qui seroit encore