Page:Cyrano de Bergerac - L autre monde ou Les états et empires de la lune et du soleil, nouv éd, 1932.djvu/215

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mais ces morceaux-là n’ont garde d’arriver à un pauvre garçon. Hélas ! mon bon Monsieur, faut que vous sachiez…… » Je ne manquai pas à cet endroit de l’interrompre ; car je pressentois par ce commencement de digression, une longue enchaînure de coq-à-l’âne. Or après que nous eûmes bien digéré notre complot, le Rustaud prit congé de moi. Il ne manqua pas le lendemain de me venir déterrer justement à l’heure promise. Je laissai mes habits dans la prison, et je m’équipai de guenilles ; car afin de n’être pas reconnu, nous l’avions ainsi concerté la veille. Sitôt que nous fûmes à l’air, je n’oubliai pas de lui compter ses vingt pistoles. Il les regarda fort, et même avec de grands yeux. « Elles sont d’or et de poids, lui dis-je, sur ma parole. — Hé ! Monsieur. me répliqua-t-il, ce n’est pas à cela que je songe, mais je songe que la maison du grand Macé est à vendre, avec son clos et sa vigne. Je l’aurai bien pour deux cents francs ; il faut huit jours à bâtir le marché, et je voudrois vous prier, mon bon Monsieur, si c’étoit votre plaisir, de faire que jusqu’à tant que le grand Macé tienne bien comptées vos pistoles dans son coffre, elles ne deviennent point feuilles de chêne (159). » La naïveté de ce coquin me fit rire. Cependant nous continuâmes de marcher vers l’Église, où nous arrivâmes. Quelque temps après on y commença la grand’messe ; mais sitôt que je vis mon Garde qui se levoit à son rang pour aller à l’offrande, j’arpentai la nef de trois sauts, et en autant d’autres je m’égarai prestement dans une ruelle détournée. De toutes les diverses pensées qui m’agitèrent en cet instant, celle que je suivis fut de gagner Toulouse, dont ce bourg-là n’étoit distant que d’une demi-lieue, à dessein d’y prendre la poste. J’arrivai aux Faubourgs d’assez bonne heure ; mais je restai si honteux de voir tout le monde qui me regardoit, que j’en perdis contenance. La cause de leur éton-