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château de Mauvières. Le petit Savinien — il n’avait que trois ans — resta à Mauvières jusqu’à ce qu’il fût arrivé à l’âge d’apprendre à lire ; son père le confia alors à un curé de campagne qui prenait des pensionnaires. Savinien a qualifié son premier maître d’ombre de Sidias, en souvenir du pédant rageur et entêté dont Théophile a tracé le portrait dans sa Première journée. Ce curé entendait être écouté et obéi. Il n’hésitait pas, le cas échéant, à corriger vertement l’écolier récalcitrant. Savinien, raisonneur et batailleur, se rebellait et ne tenait aucun compte ni dès leçons ni des corrections. Malgré sa vive amitié pour l’un de ses condisciples, Henry Le Bret (1), amitié qui ne devait finir qu’avec sa vie, Savinien se plaignait si souvent à son père que celui-ci d’un caractère faible, importuné de ses doléances, sans s’informer s’il serait mieux ailleurs, le retira brusquement des mains du curé.

Entre temps, la vivacité, la gaîté, l’espièglerie du jeune Savinien lui avaient gagné le cœur de sa marraine Marie Feydeau ; elle lui légua, en 1628, six cents livres. Cette somme destinée d’abord à la poursuite des études de Denys, son frère aîné, devait revenir à Savinien à la mort de ses parents.

Son père le fit entrer au collège de Beauvais, dans la rue Saint-Jean-de-Beauvais à Paris. Le principal depuis avril 1615, Jean Grangier, professeur de rhétorique au collège d’Harcourt, puis professeur d’éloquence latine au Collège de France, était non seulement un savant de premier ordre, mais excellent pédagogue et administrateur remarquable. Il avait relevé la prospérité un moment chancelante de ce collège en rétablissant la discipline tant soit peu compromise sous son prédécesseur. Son éloge était dans toutes les bouches ; on disait proverbialement : « Il n’y a qu’un Grangier pour dicter, un