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Page:Cyrano de Bergerac - L autre monde ou Les états et empires de la lune et du soleil, nouv éd, 1932.djvu/242

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l’histoire que je vous ai contée ? Vous me direz que je ne saurois l’avoir apprise de ceux qui n’y étoient pas ? Il est vrai que je suis le seul qui s’y soit rencontré, et que par conséquent je n’en puis rendre témoignage, à cause qu’elle étoit arrivée auparavant que je naquisse. Cela est encore vrai ; mais apprenez aussi, que dans une région voisine du Soleil comme la nôtre, les âmes pleines de feu sont plus claires, plus subtiles, et plus pénétrantes, que celles des autres animaux aux sphères plus éloignées. Or puisque dans votre Monde même il s’est jadis rencontré des Prophètes de qui l’esprit échauffé par un vigoureux enthousiasme ont eu des pressentimens du futur, il n’est pas impossible que dans celui-ci beaucoup plus proche du Soleil, et par conséquent beaucoup plus lumineux que le vôtre, il ne vienne à un fort génie quelque odeur du passé ; que sa raison mobile ne se remue aussi bien en arrière qu’en avant, et qu’elle ne soit capable d’atteindre la cause par les effets, vu qu’elle peut arriver aux effets par la cause. »

Il acheva son récit de cette sorte ; mais après une conférence encore plus particulière de secrets fort cachés qu’il me révéla, dont je veux taire une partie, et dont l’autre m’est échappée de la mémoire, il me dit qu’il n’y avoit pas encore trois semaines qu’une motte de terre, engrossée par le Soleil, avoit accouché de lui. « Regardez bien cette tumeur ! » Alors il me fit remarquer sur de la bourbe je ne sais quoi d’enflé comme une taupinière : « C’est, dit-il, une apostume, ou pour mieux parler, une matrice qui recèle depuis neuf mois l’embryon d’un de mes frères. J’attends ici à dessein de lui servir de sage-femme. »

Il auroit continué, s’il n’eût aperçu à l’entour de ce gazon d’argile le terrain qui palpitoit. Cela lui fit juger, avec la grosseur du bubon, que la terre étoit en travail,